Violation de la liberté de religion au Turkistan oriental
Depuis 1949, les politiques du gouvernement chinois sur la foi et les pratiques de la religion de l’islam au Turkistan oriental (alias la Région autonome ouïghoure du Xinjiang) ont passé d’une « intolérance radicale », particulièrement dans les années 1960 à 1970, à une « tolérance contrôlée » [1] avec une « ouverture relative » au début des années 1980 [2]. Jusqu’à la fin des années 1990, la religion a été tolérée à un degré limité [3].
L’enseignement religieux était interdit au Turkistan oriental et l’est toujours. Néanmoins, la tolérance de l’éducation religieuse dans le reste de la Chine a permis aux mosquées et aux institutions religieuses en dehors du Turkistan oriental d’organiser des cours d’arabe et d’études islamiques pour tous les membres de la société. Les finissants de ces institutions religieuses avaient également l’autorisation d’établir de petites écoles religieuses indépendantes. Ce n’est qu'au Turkistan oriental que le gouvernement chinois a établi des politiques de restrictions religieuses en raison du lien perçu entre l’identité islamique et le séparatisme ou la résistance ethnique ouïghoure [4].
De surcroît, après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, il y a eu un « changement de rhétorique » dans la gestion de la résistance ouïghoure, la République populaire de Chine (RPC) annonçant officiellement, pour la première fois, l’existence d’une menace terroriste ouïghoure en Chine. En d’autres mots, le « séparatisme » ouïghour est devenu du « terrorisme » comme résultat d’amalgames sur l’islam concernant la violence et le terrorisme [5]. L’unique média de l’État a intentionnellement renforcé le soi-disant lien entre l’islam et le terrorisme au Turkistan oriental [6]. En d’autres termes, le gouvernement chinois a commencé à utiliser la rhétorique mondiale de la « guerre contre la terreur » pour interdire totalement les pratiques islamiques et l’accès à l’éducation et aux connaissances islamiques par les Ouïghours et autres peuples turciques du Turkistan oriental [7].
Depuis, les connaissances, l’idéologie et les pratiques islamiques sont de plus en plus réprimées et sujettes de remise en cause dans toutes les sphères sociales, notamment dans les établissements d’enseignement au Turkistan oriental. Il est interdit aux jeunes ayant 18 ans et moins d’assister aux prières à la mosquée et de recevoir toute éducation religieuse dans les madrasas souterraines [8]. Il est également défendu de porter des symboles religieux et de s’engager dans des activités religieuses telles que la prière, le jeûne pendant le mois du Ramadan ou d'autres pratiques religieuses dans tous les établissements d’enseignement en Turkistan oriental [9]. Donc, le droit d’accès à l’éducation islamique et de pratiquer l’islam est de plus en plus réprimé pour les Ouïghours. Cette tendance s'avère plus sévère et exagérée depuis 2009 sous le règne de Xi: « Un large éventail d’aspects routiniers et pacifiques de la pratique religieuse qui était autrefois autorisés ont été arbitrairement qualifiés d’activités illégales ou d’extrémismes religieux » [10].
Cette répression a atteint son summum depuis que le fonctionnaire du gouvernement chinois, Chen Quanguo, est transféré de la région autonome du Tibet vers le Turkistan oriental en août 2016. Dès son transfert, il a lancé un programme intensif de sécurité ayant pour cible le partage de connaissances islamiques et la pratique de l’islam par les Ouïghours [11]. En octobre 2016, de nouvelles règles ont été mises en place pour restreindre les parents ouïghours d’enseigner la religion à leurs enfants et pour leur interdire d’encourager leurs enfants à participer à des activités religieuses. Ceux qui enfreignent ces nouvelles lois reçoivent de graves sanctions. De plus, donner un prénom musulman à son nouveau-né est interdit [12]. En mars 2017, le Règlement contre l’extrémisme dans la région autonome du Xinjiang (alias « Xinjiang Uyghur Autonomous Region Regulation on De-extremification ») a été adopté afin de restreindre davantage le partage de connaissances religieuses dans tous les espaces privés et publics. Ce règlement veut « rendre [l’islam] plus chinois et conforme à la loi, et guider les religions de façon active pour qu’elles deviennent compatibles à la société socialiste » (Article 4). Par conséquent, le règlement stipule également que les écoles religieuses devront « adhérer aux règlements quant à la sinisation de la religion et s’acquitter sérieusement de son rôle pour cultiver et former des professionnels religieux afin de prévenir l’invasion de l'extrémisme » (Article 40) [13]. La sinisation veut évidemment dire « sécularisation » ou « modernisation » dans le contexte du discours chauvinisme chinois qui caractérise l’islam comme une religion arriérée et naturellement violente. Depuis 2017, on estime que des milliers de mosquées ont été démolies au Turkistan oriental [14].
D’ailleurs, les individus soupçonnés d’être religieux ou qui montrent des « signes de radicalisation », y compris la participation aux activités religieuses de base, comme prier, jeûner, porter des symboles religieux, porter le hijab, faire pousser la barbe, s’abstenir de boire de l’alcool et autres, sont envoyés aux « centres de formation d’éducation et de transformation » (教育转化培训中心) ou aux « écoles de formation contre l’extrémisme » (去极端化培训班). Plusieurs sont forcés d' y rester pendant des mois ou indéfiniment, loin de leur famille, dans le but de « désapprendre » leur religion. Depuis leur création au début de l’année 2017, ces « écoles » se trouvent dans plusieurs régions du Turkistan oriental et ont déjà « rééduquées » des centaines de milliers de musulmans ouïghours et d’autres peuples turciques musulmans [15]. Présentement, on estime qu’entre un à trois millions d’Ouïghours et musulmans d’autres ethnies (Azéris, Kazakhs, Kirghizes, Ouzbeks et Tatars) vivent dans ces camps de concentration inspirés des nazis dans des conditions misérables [16]. L'éminent défenseur des droits de l'homme, journaliste et rédacteur en chef Sheng Xue, considère ces « centres de rééducation » comme cruels et plus dangereux que les camps de concentration nazis, car le premier détruit l'identité, la dignité de la personne et le respect de soi des détenus, tandis que le second se débarrassait physiquement des prisonniers [17]
En outre, récemment, tous les étudiants ouïghours qui faisaient des études islamiques en Égypte ont dû retourner en Chine. En effet, selon certaines sources, sous la pression des autorités chinoises, le gouvernement égyptien a arrêté et extradé de nombreux étudiants ouïghours [18]. Les étudiants retournés en Chine ont disparu ou ont été condamnés à de longues peines de prison [19]. En somme, les développements récents indiquent que l'oppression religieuse et culturelle a atteint un niveau sans précédent. La communauté internationale devrait accorder plus d’attention aux souffrances actuelles des Ouïghours.
Références
[1] Waite, E. (2007) The emergence of Muslim reformism in contemporary Xinjiang; Implications for the Uyghurs' positioning between a Central Asian and Chinese context. In I. Bellér-Hann., C. Cesaro, R. Harris & amp; J. Smith (Eds.), Situating the Uyghurs between China and Central Asia, (pp. 56-78). Ashgate Press: Aldershot. 2 Millward, JA & amp; Lost, PC (2004). Chapter
[2] Political and cultural history of the Xinjiang region through the late nineteenth century. In S. Frederick Starr (Ed.), Xinjiang: China & # 39; s Muslim Borderland, (pp. 40–41). ME Sharpe.
[3] Roberts, SR (2004). A 'land of borderlands': Implications of Xinjiang's trans-border interactions. In S. Frederick Starr (Ed.), Xinjiang: China & # 39; s Muslim Borderland, (pp. 216-237). ME Sharpe.
[4] Armijo, J. (2017). Islamic education in China. In H. Daun & amp; R. Arjmand (Eds.), Handbook of Islamic education, International handbooks of religion and education. (pp. 797-808), Springer International Publishing AG.
[5] Roberts, SR (2018). The biopolitics of China's “war on terror” and the exclusion of the Uyghurs, Critical Asian Studies. 50 (2), 232-258. DOI: 10.1080 / 14672715.2018.1454111
[6] Harris, R. (2014). The Changing Uyghur Religious Soundscape. Performing Islam, 3 (1 & amp; 2), 93-114.
[7] Bovingdon, G. (2010). The Uyghurs: Strangers in Their Own Land. New York: Columbia University Press .; Bovingdon, G. (2014). In WE Joseph (Ed.). Politics in China: An introduction (second edition). (pp. 248-251), Oxford University Press.
[8] Kanat, BK (2015, April 12). Uighurs as the invisible victims of the international system. Daily Sabah. Retrieved from http://www.dailysabah.com/columns/kilic-bugra-kanat/2015/04/13/uighurs-as-the-invisible-victims- of-the-international-system .; Roberts, S. (2018). The biopolitics of China's.
[9] Dearden, L. (2017, March). China bans burqas and & # 39; abnormal & # 39; beards in Muslim province of Xinjiang. Independent. Retrieved from http://www.independent.co.uk/news/world/asia/china-burqa-abnormal-beards-ban-muslim- province-East Turkestan-veils-province-extremism-crackdown-freedom-a7657826.html
[10] Cook, SG (2017). The battle for China & # 39; s spirit: Religious revival, repression, and resistance under Xi Jinping. New York: Freedom House.
[11] Millward, JA (2018, February 3). What it's like to live in a surveillance state. New York Times. Retrieved from https://mobile.nytimes.com/2018/02/03/opinion/sunday/china-surveillance-state-uighurs.html
[12] Haas, B. (2017, April 25). China bans religious names for Muslim babies in Xinjiang. The Guardian. Retrieved from https://www.theguardian.com/world/2017/apr/25/china-bans-religious-names-for- muslims-babies-in-xinjiang 13 For more information, see http: //www.iuhrdf .org / content / xinjiang-uyghur-autonomous-region-regulation- de-extremification
[14] https://www.theguardian.com/world/2019/may/07/revealed-new-evidence-of-chinas-mission- to-raze-the-mosques-of-xinjiang 15 Thum, R. ( 2018, May 15). What Really Happens in China's 'Re-education' Camps. The New York Times. Retrieved from https://www.nytimes.com/2018/05/15/opinion/china-re-education-camps.html; Smith Finley, J. (2018, June
[15] Islam in Xinjiang: “De-Extremification” or Violation of Religious Space? Asia Dialogue. Retrieved from http://theasiadialogue.com/2018/06/15/islam-in-East Turkestan-de- extremification-or-violation-of-religious-space /
[16] Thum, R. & amp; Wasserstrom, J. (2018, July, 3). The dark side of the Chinese dream: We should pay more attention to Beijing's repressive actions. The Nation. Retrieved from https://www.thenation.com/article/dark-side- chinese-dream /; Zenz, A. (2019, July 16).
You Can't Force People to Assimilate. So Why Is China at It Again? The New York Times. Retrieved from https://www.nytimes.com/2019/07/07/16/opinion/china-East Turkestan-repression-uighurs-minorities-backfire.html; Zeiger, H. (2020, Feb. 26).
China: Sophisticated surveillance decides who gets sent to camps. Mind Matters. Retrieved from https://mindmatters.ai/2020/02/china-sophisticated-surveillance-decides-who-gets-sent-to-uyghur-camps/; Abdulla, M. (2020. Feb. 5).
Uyghurs and the China Coronavirus An epidemic and crowded mass detention camps are a potentially deadly combination. The Diplomat. Retrieved from https://thediplomat.com/2020/02/uyghurs-and-the-china-coronavirus/
[17] Sheng Xue expressed this view when interviewed by Radio Free Asia Uyghur Service. The Uyghur human rights advocate Nuri Turkel also echoed her perspective highlighting the inhumane treatments of the Uyghurs detained in those re-education camps. For more information, see https://www.youtube.com/watch?v=nEjjr1o-GFY
[18] Batke, J. (2017, August 14). China is forcing Uighurs abroad to return home. Why aren't more countries refusing to help? China File. Retrieved from http://www.chinafile.com/reporting-opinion/viewpoint/china-forcing- uighurs-abroad-return-home-why-arent-more-countries
[19] Smith, A. (2017, July 19). 'The victims of international terrorism are the Uyghurs'. Middle East Monitor (MEM). Retrieved from https://www.middleeastmonitor.com/20170719-the-victims-of-international-terrorism-are-the-uyghurs/